L’inversion des dents
Création 2018
« Une voix de femme, c’est le moyen que j’ai trouvé pour exprimer ce que la mienne n’était pas capable de produire, le médium à la fois le plus proche et le plus éloigné de ce que je suis, l’autre sexe, le mystère. Il fallait une force qui me soit familière et qui puisse aller au-delà de mes propres ressources. J’ai supposé que je pouvais le faire avec une voix qui avait forcément beaucoup plus d’élan et d’explosivité, depuis le temps qu’on la réprime et à laquelle je prêterais la capacité d’exprimer ma peur.
La violence vient de ce que j’entends dans la radio à l’heure des informations où les mots semblent épuisés et leur représentation, indistincte et hygiénique. Le sens se perd derrière la profusion et l’habitude. Pour parler de la réalité, le mot doit être à la hauteur de l’acte qu’il y a derrière. Il doit dire l’ordure, la dégueulasserie. Viol, massacre, famine, exode, bateau même. Le mot doit hurler, chaque mot doit hurler. Sinon, c’est de la trahison, de la conversation de salon. Mais quel langage employer pour dire l’horreur sans être dans l’horreur, sans dégoûter ? Quel mot peut en remplacer un autre qui semble tout dire ?
Ce sont les nouvelles du monde, que nous écoutons d’une oreille totalement plate parce qu’il faut continuer à vivre. Nous prenons les informations et laissons les événements à ce qu’ils sont. Nous nous tenons informés, c’est notre courage. Notre courage loin du carnage. »
Jean Cagnard
L’inversion des dents, monologue féminin, porte à l’outrance la propension de l’espèce humaine à s’autodétruire. Une femme, figure de l’humanité, choisit de prendre en charge la violence et de devenir l’épicentre du carnage, allant des scènes primitives à la disparition de plus en plus probable de l’espèce humaine. Il n’y a pas d’explication, de justification, il n’y a que l’acte violent, il n’y a que mots qui hurlent et urgence. Elle interroge notre capacité collective et individuelle à refouler la haine et notre responsabilité dans cette entreprise apocalyptique.
Un texte d’anticipation, où la langue est la métaphore de l’enjeu : à la fois poétique et abjection, pleine de cette tension tragique sans cesse rejouée de l’humain, cette même tension qui est au cœur du geste artistique.
Plutôt que représenter la violence, il s’agit de la faire entendre. On ne peut fermer les oreilles comme on ferme les yeux. Pas d’iconographie effroyable, d’images d’actualité ; il faut laisser la place pour que les mots résonnent en chacun, pour que chacun découvre qu’il peut concevoir « le pire ».
Au plateau, un corps et une membrane translucide sur laquelle s’accumulent des images imparfaites et latentes. Dire pour faire vibrer ce palimpseste où sans cesse quelque chose cherche à émerger, presque invisible, rampant. Il y a là comme une mèche allumée et l’explosion est inéluctable.
Équipe
Texte : Jean Cagnard – Editions Espaces 34
Conception et recherche : Fabienne Augié, Cécile Marc, Catherine Vasseur
Mise en scène et jeu : Catherine Vasseur
Scénographie et choix musicaux : Cécile Marc
Photographie/images : Fabienne Augié
Lumières : Sonya Perdigao
Production : Hélène Sorin
Administration : Marie Guille
Graphisme-communication : Axelle Carruzzo
Production
Compagnie 1057 Roses
Partenaires :
Théâtre le Périscope, Nîmes
Mix’Art Myrys,Toulouse
Scènes Croisées de Lozère, Scène conventionnée pour les écritures d’aujourd’hui
Accueil en répétition : HTH-CDN Montpellier
Lecture en juillet 2018 à La Manufacture, Avignon dans le cadre de « Morning Shot/Travaux en cours/Lectures » avec la Collaborative
Soutiens :
Ministère de la Culture – DRAC Occitanie,
Région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée
Département du Gard
Ce spectacle reçoit l’aide de la SPEDIDAM et le soutien d’Occitanie en Scène